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Tribune libre

Justice coloniale : à la solde du pouvoir

Il y a 60 ans, le « procès des parlementaires »

vendredi 31 octobre 2008

Avant même et surtout après le 29 mars 1947 où éclate une insurrection à Madagascar, un grand nombre de Malgaches partisans de l’indépendance ont été arrêtés et détenus car le pouvoir colonial voulait réprimer cette aspiration généralisée des colonisés de s’émanciper du joug de la France. La répression de l’insurrection ne s’est donc pas limitée au seul aspect militaire. Ses formes policières et judiciaires s’avèrent plus importantes et ses conséquences plus profondes et plus durables sur le comportement politique des Malgaches. Le procès le plus retentissant s’est tenu de juillet à octobre 1948 à Andafiavaratra, jugeant les responsables du Mouvement démocratique de la Rénovation malgache (MDRM), dont les trois députés, les docteurs Joseph Raseta, Joseph Ravoahangy et Jacques Rabemananjara.

Emprisonner les militants du MDRM avant et après le 29 mars 1947

Dès juillet-août 1946, les arrestations des militants nationalistes pleuvent à travers le pays, dans la capitale, à Majunga, dans l’Est où éclatent des incidents opposant les populations à des membres de l’administration coloniale qui continuent les mêmes modes d’intimidations et de contrainte que depuis le début de la colonisation. Le pouvoir colonial attribue les différents incidents au MDRM, qu’il compte « abattre par tous les moyens », car devenu trop influent auprès de la population et considéré comme une menace pour la présence française. Les députés et surtout le Dr Joseph Ravoahangy sont alors les plus redoutés. Aussi lorsque l’insurrection éclate le 29 mars 1947, le MDRM est-il tout de suite accusé, à tort, comme son instigateur, et des milliers de militants et leaders arrêtés et sommés jusqu’à la torture de reconnaître la responsabilité des députés dans sa préparation et son déclenchement. Les députés eux-mêmes sont arrêtés et détenus, leur immunité parlementaire levée.

Le procès d’Andafiavaratra condamne des innocents

Tribunaux militaires, tribunaux et cours criminelles civiles prononcent plus de 5 000 condamnations, mais le procès le plus attendu est celui des responsables du MDRM tenu à Andafiavaratra, du 27 juillet au 4 octobre 1948. C’est, en réalité, un procès politique entaché d’irrégularités et dont les verdicts sont dictés par la volonté du pouvoir colonial de condamner les responsables du MDRM et en premier lieu les députés. Or le MDRM, en tant que parti, n’est pas du tout à l’origine de l’insurrection. Les députés notamment, c’est-à-dire les principaux dirigeants du parti, ne peuvent être taxés, comme les ont accusés les responsables du Territoire et le ministre de la France d’Outre-mer, d’avoir donné le signal de la lutte armée. Toujours est-il que le procès d’Andafiavaratra a prononcé les verdicts suivants : 6 condamnations à mort, dont deux contre les députés Raseta et Ravoahangy , 4 aux travaux forcés à perpétuité dont Rabemananjara , entre 5 et 20 ans.
Même si les premiers responsables du MDRM n’ont pas été exécutés, il n’est pas moins vrai que le procès d’Andafiavaratra a condamné des innocents.

Lucille Rabearimanana,
Professeur titulaire à l’Université d’Antananarivo
Membre titulaire de l’Académie malgache

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