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Editorial

Démocratie et Loi de Finances

lundi 5 novembre 2012 | Sahondra Rabenarivo

Le vendredi 28 septembre dernier, le ministre des finances français présentait le projet de loi de finances 2013 non seulement au public, par conférence de presse [1], mais au conseil des Ministres. Le mardi 23 octobre, l’assemblée nationale vote la première partie de la loi sur les recettes ; c’est à dire les impôts et taxes ; plus tard ce mois de novembre ou en décembre, elle votera la deuxième partie sur le budget de l’État, c’est-à-dire comment ces recettes seront dépensées. La loi de finances comprend après tout deux grandes composantes : la première englobe les modifications proposées au Code Général des Impôts et/ou des Douanes et la deuxième, le budget de l’État, en dehors duquel, en principe, aucune dépense étatique ne peut être engagée.

Le week-end immédiatement suivant la présentation de la loi de finances française, un mouvement des créateurs de start-up et investisseurs est né sur média social et s’insurge contre les propositions de taxation des revenus de capital au même niveau que les revenus ; il s’agit du groupe sur internet appelé les Pigeons. Dès le lundi 1er octobre et toute la semaine qui suit, ils font parler d’eux dans la presse française et économique internationale. La transparence leur a permis de consulter la loi et de s’en plaindre.

Toute la semaine du 1er octobre est d’ailleurs dédiée par les médias français au projet de loi : ils synthétisent, exposent et expliquent ses implications fiscales et budgétaires et interviewent les personnages clés de l’administration et de l’opposition. Les grandes lignes de la loi, les critiques, les explications remplissent journaux, magazines et les ondes de radio comme de télévision.

L’assemblée nationale française, elle, n’a pas attendu l’arrivée de la loi pour se préparer. Dès juillet 2012, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire reçoit un rapport général sur le cadre macro-économique et des dialogues ont lieu au cours des semaines qui suivent entre l’exécutif et ladite commission. Les propositions d’amendement à la loi sont enregistrées à partir du 4 octobre, avant d’être considérées une à une. Il y en a des centaines. [2]

Je cite le cas français car c’est le cas que nous pensons émuler. Et pourtant... Si nous nous référons à la pratique passée, à Madagascar, la loi de finances arrivera au parlement de Transition sans être divulguée au public ; la presse n’en fera aucune analyse, à part répéter ce que l’exécutif daignera lui dire sur les grandes lignes de diagnostic macro-économique sur lesquels les estimations de recettes fiscales se baseront ; et le Parlement votera le texte en un bloc, toutes ses 800 pages et quelques, en moins de 24 heures, sans aucun, pas un, amendement.

Personne ne nous expliquera la stratégie globale de développement que la loi représente ; ne comparera le budget dédié à l’éducation à celle pour les forces de l’ordre ; ne révélera l’allocation budgétaire inconstitutionnelle aux « projets présidentiels » [3] ; ne relèvera les mesures fiscales incitatrices ou prédatrices pour les entreprises ; et ne confirmera la part allouée à la CENI-T directement (et pas sous enveloppe ministérielle) pour ce qui devrait être la plus grande priorité de dépense pour la sortie de la crise : les élections.

En France, les ministères font également chacun une présentation de leurs budgets respectifs. À Madagascar, nous avons la forte impression que les ministères (et ose-je dire, le Premier Ministre ?) ont à peine participé à l’élaboration du budget général.

La Constitution de Madagascar (de 2007 ou de 2010) prévoit une session ordinaire du pouvoir législatif de soixante jours, consacrée principalement à l’adoption de la loi de finances, à partir du 3ème mardi d’octobre, c’est-à-dire le 16 octobre dernier. On a compris que l’examen et le vote de loi de finances n’étaient pas la première priorité. À la date des présentes, la loi n’est pas encore présentée au Parlement de Transition (long week-end de pont oblige), soit avec presque 3 semaines de retard. L’article 92 de la Constitution est pourtant bien clair quant à la durée de l’examen de la loi et la méthodologie pour l’amender et adopter. Normalement, les 60 jours de session expirent bien avant la fin de l’année, en suffisamment de temps pour publier la nouvelle loi et laisser les contribuables s’y adapter pour l’année qui suivra. Dieu sait, cette année, à quelle date elle sera votée, encore moins publiée.

Que le projet de loi de finances soit publié en son intégralité ; que les médias nous expliquent les allocations pour les élections, et les priorités comme l’éducation et la santé ; qu’on comprenne le pourcentage dédié aux salaires des fonctionnaires, forces armées et des multiples conseillers des dirigeants actuels ; quelle allocation par région ; par institution ; par type de dépense (fonctionnement, voyages et salaires vs investissements). Les recettes viennent de nous, contribuables, les dépenses méritent notre regard. Démocratie = transparence et consentement des gouvernés. [4]

 Sahondra Rabenarivo
3 Novembre 2012

Notes

[1Toujours visible en ligne, avec toute la documentation y afférent.

[2Voir site de l’Assemblée Nationale française.

[3Voir article 55 de la Constitution (le Président n’exécute aucun programme lui-même) et article 63 qui laisse au Gouvernement, composé du Premier ministre et des ministres la mise en oeuvre de la politique générale de l’État.

[4Je vois déjà l’acharnement de ceux qui m’accuseront d’utopie, mais quand pensons-nous passer aux choses sérieuses, au boulot que la vie démocratique réquiert : quand tout sera rose et parfait ?

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