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Tribune libre

Conditions de réussite à Maputo

mercredi 5 août 2009

Après le dernier voyage à Antananarivo du Groupe international de Contact dirigé par l’ancien président du Mozambique, Joachim Chissano, les anciens présidents de Madagascar – Didier Ratsiraka, Albert Zafy, Marc Ravalomanana – et l’actuel président du pouvoir de transition – Andry Rajoelina – vont se rencontrer à Maputo, capitale du Mozambique, le 5 août 2009. On y discutera dit-on d’une charte de transition en vue de l’établissement de l’ordre constitutionnel, de la forme et du contenu de la transition et des futures élections.

Quelles sont les conditions de réussite de cette rencontre ?

La première est de se départir de toute simplification, de tout manichéisme. Cette condition doit être observée en premier lieu par la Communauté internationale à propos de la qualification du changement de régime. Celui-ci est le résultat incontestable d’une insurrection, mais ses ressorts sont plus complexes au vu de l’ensemble des événements, de l’attitude et de la position des différentes personnalités et des différentes institutions y compris la Haute cour constitutionnelle. Certaines positions, certaines attitudes de certaines composantes de cette Communauté internationale à ce sujet peuvent contribuer à aggraver la situation en suscitant des espoirs chez une partie des protagonistes, des ressentiments chez une autre partie.

La bienveillante attention de cette Communauté internationale à l’égard de Madagascar devrait être entourée de nombreuses précautions. Elle doit dissiper tout sentiment d’un traitement de deux poids de mesures par rapports à d’autres Etats qui ont connu des changements de régime en dehors de la procédure constitutionnelle. Elle doit éviter que certaines interprétations d’accords et de conventions n’apparaissent comme une nouvelle forme de néocolonialisme habillée de l’idéologie des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie ; idéologie que l’on imposerait à Madagascar mais que l’on imposerait pas à d’autres Etats… Elle doit être attentive au fait que malgré tout Madagascar est un Etat souverain comme les autres qui peut et doit trouver le chemin de la démocratie sans que l’on lui dicte une solution extérieure toute faite.

La seconde est de partir de la réalité au regard du droit international et du droit constitutionnel : un régime a disparu, un autre le remplace. Les bases, la forme et le contenu du nouveau régime restent à définir, à déterminer, à élaborer.

Ce ne sera pas la première fois que la classe politique malgache aura à gérer une transition, mais celle-ci s’avère cruciale pour l’avenir du pays. Justement, compte tenu des transitions du passé, il est impératif d’éviter que l’actuelle ne soit qu’une nouvelle répétition des anciennes.

Elle doit rompre avec les formules de transition déjà expérimentées à Madagascar avec les résultats que l’on connaît. Il ne s’agit pas seulement ici – même si c’est important à court terme–d’apaiser les conflits au sein de la classe politique malgache et de répartir les portefeuilles ministériels entre les différents partis et mouvances politiques au sein d’un gouvernement de transition. Au regard des pratiques internationales en la matière, cette double solution souvent proposée par la Communauté internationale, et notamment par l’Union africaine, a apporté des résultats mitigés et n’a pas résolu les problèmes de fond pour ne prendre que les exemples de la Côté d’Ivoire et de la Mauritanie.

Si l’on veut espérer crever l’abcès, repartir sur de saines et nouvelles bases, mieux vaut donc ne pas se contenter des recettes faciles véhiculées par des slogans artificiels comme « processus inclusif et consensuel ». Si les protagonistes doivent dialoguer, la mise en place d’une démocratie véritable implique l’émergence d’une majorité et d’une minorité que le peuple doit départager lors d’élections libres, sincères, indépendantes, équitables. Il semble que, dans ce type de situation, le rôle le plus important de la Communauté internationale est moins de veiller à un processus de transition inclusif et consensuel que de veiller à la liberté, à l’équité, à la sincérité des élections.

Car il faut le dire, le droit constitutionnel et le droit international ne connaissent qu’un seul mode de légitimation d’un nouveau pouvoir et d’un nouveau régime : les élections démocratiques. Celles-ci doivent être l’occasion pour Madagascar de se doter d’institutions fortes et stables qui permettent de prévenir quatre maux endémiques de la vie politique malgache : le culte du chef patriarcal (la figure patriarcale du président permet à celui-ci d’entretenir une relation de chef de famille à enfants avec les gouvernés créant de nombreux effets pervers des deux côtés) ; l’ultra domination habituelle de la majorité présidentielle sur l’opposition (l’écrasement de la minorité est un terreau favorable à l’insurrection) ; la sclérose de la classe politique dominée par le népotisme et la consanguinité (certains d’entre eux ont été à la fois des soutiens successifs des présidents successifs et des soutiens successifs des insurrections et des soulèvements populaires successifs…) ; l’interférence entretenue entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel (l’appel incessant à la divinité justifie chez beaucoup la certitude d’avoir raison et le fanatisme).

Préalablement aux solutions constitutionnelles à ces problèmes, Madagascar doit panser les plaies de plus de trois décennies de luttes fratricides.

La classe politique dans son ensemble et le peuple malgache se doivent de se dire la vérité sur l’histoire post indépendance de Madagascar. Cela permettrait une véritable réconciliation et la mise en place d’une véritable refondation de la vie politique et institutionnelle.

La mise en place d’une Commission vérité et réconciliation paraît indispensable. Cette institution qui a fait ses preuves ailleurs a plusieurs avantages. Composé d’experts indépendants (juristes, politistes, historiens, sociologues notamment), elle est chargée de recueillir les témoignages de victimes d’abus de pouvoir, de violence, de corruption, de confronter les membres de la classe politique, des institutions, des forces de l’ordre aux victimes et au peuple malgache. De cette façon, un éclairage nouveau est apporté à l’histoire, une recherche commune de la vérité est entreprise, la polémique sur l’amnistie et l’impunité des auteurs de crimes est en partie atténuée car les crimes concernés sont publiquement débattus et consignés pour l’Histoire. Cela n’empêche pas la poursuite des crimes de sang et des crimes les plus graves devant la justice pénale, mais permet de préparer le terrain du pardon mutuel, préalable à la réconciliation nationale.
Cette démarche favorisera la réussite de la marche vers une nouvelle République basée sur une nouvelle constitution véritablement démocratique.


Jolami

4 commentaires

Vos commentaires

  • 5 août 2009 à 09:43 | Emyrna (#1956)

    Nahoana no MAPUTO, DAKAR, ADDIS-ABEBA, ... Afrika foana ?

    Rahoviana ireto Fianakaviambe Iraisam-pirenena ireto vao hihevitra ny mba hanao ny fanelanelanana any MANILA, JAKARTA, KUALA, BRUNEI ? Renivohi-pirenena tsy mba ao anatin’ny Firenena Mikambana ve ireo firenena Nusantara-Melayu ireo ? Sa tsy mba misy olona manam-pahaizana sy manam-pahendrena toy ny ao Afrika any amin’izy ireo ?

    Marina fa ao amin’ny faritra Afrika i Madagasikara ara-jeografika. Saingy ara-pirazanana sy ara-pihaviana dia tsy taranaka Afrikana daholo akory ny mponina eto amin’ity Nusy ity. Mbola misy ny Merina, izay taranaka Nusantara-Melayu, ary izy roalahy fototra ny krizy dia samy Merina. Tsy mahagaga laotra anefa raha mifandramatra izy ireo satria samy tsy manome lanja io lafiny maha-izy azy io, sady samy tsy mihevitra izay hanarina ny zo aman-kasin’ny taranaka Merina, koa dia araraotin’ny sasany ny toe-draharaha.

    Mbola mahery sy mahomby tokoa leiretsy ny fanohizan’ny Frantsa, sy ireo mpanohana azy, ny vono-taranaka (genocide) ankolaka, hikendreny hanafoanana tanteraka ny fisian’ny Merina araka ny maha-izy azy eto Madagasikara. Tsarovy fa ny nanombohany izany, taloha, dia nitondra Sonegaly ny Frantsay mba hi- « ravaler les Hovas ». Io no baiko midina nambarany voalohany raha vao nanomboka ny fanjanahantany izy.

    Fanamarihana :
    1) Ny natao hoe Sonegaly dia ireo miaramila Afrikana mainty nentin’ny Frantsay teto mba hanafika an’i Madagasikara, ary koa fampiasany ho herim-pamoretana nandritra ny fanjanahantany.
    2) Ny « ravaler les hovas » dia tsy midika fa hataony ho lasa toa an-dRavalo daholo akory ny Hova, izany hoe ny Merina, fa potehina sy hampietrena ny maha-merina azy, na ara-tsosialy izany, na ara-kolotsaina, na ara-pirazanana.

    Mazava fa io fampiasana Afrikana amin’ny « fanelanelanana » io, dia tetikadin’ny Frantsa miafina ao ambadikin’ny anarana hoe Fianakaviambe Iraisam-pirenena, mba hitazonana an’i Madagasikara ho Afrikana hatrany, ary indrindra tsy hamela ny Merina hijoro amin’ny tena maha-izy azy.

    Raha ny marina dia fanelanelanana an’Atoa isany Marc Ravalomanana sy Andry Rajoelina ihany no hahitana ny vaha-olan’ny ity raharaha manjo antsika ity, saingy hitan-dry zareo fa hafahafa ihany raha Afrikana no manelanelana an’izy roalahy tsy hita endrika Afrikana ireto. Tsy izany indrindra ve no nampidirana « ankolafikery hafa » mba hanakonakonana ny fisian’ny Merina ? Sa fanomanana ny fametrahana fahefana hahafahan’i Frantsa mifehy indray ny tamingana Merina mbola tavela eto Madagasikara ?

    Tamin’ny fotoan’androny dia henim-boninahitra tokoa ary afaka nampiakatra ny reharehany avo dia avo ny Sonegaly, satria nahatanteraka an-tsakany sy an-davany, niaraka tamin’ireo Vazaha nampiasa azy ireo, ny fandresena sy ny fanjanahana an’i Madagasikara, ary koa ny fanapotehina ny Merina. Diso ve izahay raha milaza fa miandrandra izany voninahitra sy rehareha izany koa ireto Afrikana mpanelanelana ao Maputo ireto ?

    Izay no ela, fa dia mitso-drano anareo rehetra hifanatri-tava ao amin’ny renivohitra Masombika ao, mba hahita vaha-olana mahomby tokoa, mba hiverenan’ny filaminana eto Madagasikara ; dia filaminana hahafahan’ny rehetra mandroso araka ny maha-izy azy, ao amin’ny lafitaniny avy !

  • 5 août 2009 à 15:25 | da fily (#2745)

    Tout simplement magistral mr Jolami.

    Une vraie analyse en profondeur de ce que devrait être « la réconciliation nationale » tant souhaitée.

    Je cautionne pleinement et croise les doigts pour que cette réunion se passe sous des auspices aussi limpides.

    Je redis bravo.

  • 5 août 2009 à 21:59 | rota rakotomalala (#2628)

    Clap clap clap clap à l’infini, Jolami

    Tokony mba teny am-pelatanan’ny izy 4 mouvances ireo conditions de reussite ireo hanamafisana ny andry ny vahoaka amin’io rencontre io !

    Puissiez vous être « entendu »...

  • 6 août 2009 à 04:15 | mpitolona (#3015)

    Tsss ! Tssss !

    Je cite : « la mise en place d’une démocratie véritable implique l’émergence d’une majorité et d’une minorité que le peuple doit départager lors d’élections libres, sincères, indépendantes, équitables. »

    Mais cette élection a deja eu lieu en 2006 designant clairement Marc Ravalomanana comme président de la République jusqu’en 2012. Pourquoi en refaire une autre . Pour légitimer les putschistes ?

    Je cite encore : « La seconde est de partir de la réalité au regard du droit international et du droit constitutionnel : un régime a disparu, un autre le remplace. Les bases, la forme et le contenu du nouveau régime restent à définir, à déterminer, à élaborer. »

    Non, un coup d’état a eu lieu, ce n’est pas juste un remplacement. Les bases ne doivent pas être redéfinies, elles sont déja dans la constitution malgache votée en referendum en 2007.

    Si le processus engagé à Maputo vise juste à légitimer un gouvernement issu d’un putsch militaire, ce n’est pas la solution.

    Messieurs Rajoelina, Ratsirahonana et Andriamanjato ont essayé de se la jouer fine avec le genre d’arguments que vous avancez à Bruxelles. La réponse a été claire et sans appel : Vous êtes les auteurs d’un coup d’état. Votre demarche ne va pas dans le bon sens. Vos propositions sont nulles et non avenantes, et surtout non constitutionnelles.

    Monsieur Andriamanjato a encore essayé de tergiverser pour le financement de la solution HAT. La réponse n’a pas tardé : niet.

    Ce n’est pas encore assez clair ?

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