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Editorial

Ces années là...

mercredi 30 décembre 2009 |  2213 visites  | Patrick A.

Avec l’année s’achève aussi la décennie. On avait eu les années 80, les années 90, mais on ne sait toujours pas comment on peut désigner en français les années 2000 à 2009.

Pour qualifier cette époque, la BBC parle des Noughties, les Américains parlent des Aughties. En tout cas, selon un récent sondage, les Américains ont détesté cette période et gardent une nostalgie forte des années 80. La faute sans doute à l’événement majeur qui aura marqué toute la géopolitique de la dernière décennie, les attentats du 11 septembre 2001, qui ont durablement modifié l’attitude des USA mais surtout leur regard sur le monde. Les images du vol United Airlines 175 percutant la tour Nord du World Trade Center et l’effondrement des Twin Towers auront aussi traumatisé l’inconscient collectif malgache, et peut-être contribué au climat social plus violent qu’on aura relevé en cette année 2009.

Mais le visage le plus quotidien de la mondialisation à Madagascar aura sans doute été la percée des produits venus d’Asie, reflétant la percée de l’Inde et de la Chine dans l’économie mondiale. Alors que beaucoup de malgaches se sont habillés de friperies dans les années 90, le neuf a repris une plus grande place au cours de ces années 00, dans une large mesure à travers le vita sinoa. La confection malgache traditionnelle reste laminée, à l’exception des « déclassés » de zones franches qui laissent planer toutes les interrogations sur la légalité des moyens qui les ont fait sortir des ateliers.

Cette asiatisation aura également été perceptible au niveau culturel. Le karaoke est entré dans les moeurs, au désespoir des voix fluettes et désaccordées, mais pas forcément au détriment des amateurs de Kalon’ny Fahiny. Madagascar n’a pas de Bollywood, mais une toute petite industrie du film vidéo n’en est plus à ses balbutiements, et arrive à garder une minuscule longueur d’avance sur une autre industrie, celle du piratage.

Ajoutez à ces diverses influences le vent de la téléréalité venu par contre des Pays-Bas [1], et vous obtenez l’émission Pazzapa, que l’on peut d’autant plus qualifier d’icône audiovisuelle des années 00 que ce télé-crochet disparaît cette année, quitte sans doute à renaître ultérieurement sous une autre forme.

Le modèle économique de Pazzapa n’aurait pu exister sans le SMS, et donc sans l’explosion de la téléphonie mobile, dont les opérateurs sont devenus les plus grandes entreprises privées du pays. Les 25 unités que chantaient Samoela pour séduire sa dulcinée ont cédé la place au portable, familial ou communautaire, quitte à s’obliger parfois à faire quelques kilomètres pour trouver une prise électrique ou une batterie de voiture afin de recharger l’outil précieux qui reçoit pourtant parfois le sobriquet de fozaorana.

Ce qui nous ramène (hélas et brutalement) à la politique. L’homme qui à Madagascar aura dominé la décennie est sans conteste Marc Ravalomanana, et il l’aura fait aussi bien par sa présence que par ses absences. Il aura tout à fait logiquement fait passer ses prédécesseurs au rang de dinosaure, mais aura été lui même rattrapé par ses excès, faisant de son groupe un équivalent local des Enron, Parmalat et Lehman Brothers d’un monde plus large. Il aura été un acteur clé de la mondialisation décrite précédemment à Madagascar, mais aussi contribué à la discréditer aux yeux d’une partie du public en la freinant dans les secteurs qui l’intéressaient personnellement.

Le capitalisme a survécu à Enron, Parmalat et Lehman Brothers, au prix d’un surcroit de régulation. Qu’en sera-t-il de l’ouverture de Madagascar au monde dans 10 ans ?

Notes

[1pays d’origine de la maison de production Endemol, à l’origine notamment des Big Brother américains et Star academy français.

5 commentaires

Vos commentaires

  • 30 décembre 2009 à 09:22 | Albatros (#234)

    Bonjour Patrick A.

    Je partage votre analyse. Je me demande juste si Mr Rajoelina ne fait pas partie des productions d’Endemol et si la seule chose qui l’intéresse n’est pas de gagner à la « Star Académy ».

    Amicalement.

  • 30 décembre 2009 à 09:27 | Ndimby A. (#444)

    Patrick

    Encore une fois chapeau bas pour un superbe papier.

    Je suis juste étonné que vous ne parliez pas du boom d’Internet, qui a joué un rôle important dans les deux dernières crises de 2002 et 2009, mais qui a aussi changé certains modèles sur le plan social et économique dans les villes. Par exemple, en favorisant l’essor de la presse par Internet, au détriment de la presse papier, du moins pour un certain public. N’esspa ?

  • 30 décembre 2009 à 09:34 | Basile RAMAHEFARISOA (#417)

    Ce 30 décembre 2009,jour de deuil national pour Jacques SYLLA

    REPOSEZ EN PAIX,cher « AMI ».

    Basile RAMAHEFARISOA

    • 30 décembre 2009 à 10:24 | Mbôty (#3544) répond à Basile RAMAHEFARISOA

      Basile !!!

      C’est l’heure du bilan. Je compatis votre douleur pour la perte de votre « ami »,maître Sylla mais il faut continuer d’avancer. Je trouve que cette décennie a été marquée aussi par l’accroissement du fossé qui sépare les riches et les pauvres dans notre pays. Il suffit de faire un tour dans la capitale pour s’en aperçevoir. Esperons que cette nouvelle décennie,et peu importe qui seront les gouvernants,apportera plus de justice sociale dans notre pays.

    • 31 décembre 2009 à 01:34 | Basile RAMAHEFARISOA (#417) répond à Mbôty

      Mbôty

      Dites-vous :

      « L’accroissement du fossé qui sépare les riches et les pauvres dans notre pays ».

      Votre observation est juste,mais j’essaye de respecter la trêve des confiseurs (jusqu’au 6/7 janvier 2010.Pas de commentaire pour le moment.

      Merci

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