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Société

Bois illégal : un trafic qui reste juteux

jeudi 18 mars 2010 |  2523 visites 

(MFI) Le trafic illégal du bois reste une des principales causes de la déforestation à travers le monde. C’est aussi, au même titre que les « diamants sales » qui ont financé plusieurs conflits notamment en Afrique, un facteur de déstabilisation tant sur le plan local que régional.

Si le Liberia n’est plus soumis à un embargo sur les diamants et le bois, de nombreux pays sont encore pointés du doigt par des organisations comme Global Witness ou Greenpeace. Ainsi, un nouveau rapport de Global Witness et de l’Environmental Investigation Agency (EIA) révèle l’ampleur de l’exploitation forestière illégale dans les parcs nationaux et les zones protégées de la Région Sava à Madagascar. Les deux organisations affirment que 150 à 250 mètres-cubes de bois de rose précieux, d’une valeur estimée à 800 000 dollars, sont chaque jour récoltés dans l’illégalité.

99 % des sociétés importatrices sont chinoises

Des membres de l’administration forestière, de la police nationale et d’autres autorités malgaches sont accusés de graves défaillances et, dans certains cas, de complicité avec les trafiquants. Les enquêteurs ont rassemblé des preuves vidéo de l’abattage et des témoignages des communautés locales qui révèlent à la fois « l’ampleur et la hardiesse » de ce commerce illégal. Selon ces organisations, l’ampleur considérable de l’abattage illégal menace les communautés vulnérables et les dernières forêts naturelles malgaches, qui abritent une faune parmi les plus rares de la planète. Les bûcherons ont abattu des arbres pour défricher des pistes et fabriquer des canoës, faire la chasse à des espèces rares de lémurs et incendier certaines zones forestières afin d’y installer des peuplements provisoires, encourageant ainsi l’occupation d’habitats naturels.

La majorité de ce commerce est imputable à la forte demande chinoise de meubles en bois de rose, un matériau de grande valeur. De petites quantités de bois précieux sont aussi envoyées vers l’Europe et les États-Unis pour la fabrication d’instruments de musique haut de gamme.

Malgré les prix élevés de ces bois sur les marchés internationaux – une armoire en bois de rose peut se vendre au détail jusqu’à 20 000 dollars –, seule une partie infime de la valeur du bois reste à Madagascar. Le pays exporte essentiellement du bois non transformé et une analyse des transactions financières a révélé que les gains qui reviennent à Madagascar sont minimes.

Qualifier de délit l’exploitation clandestine des forêts

Ce scandale a éclaté lors du Sommet de Copenhague sur le climat où une première liste de trafiquants a été diffusée et qui montre que 99 % des sociétés importatrices sont chinoises. La compagnie de transport maritime française Delmas est accusée pour sa part d’avoir transporté du bois de rose malgache illégal. Le pouvoir malgache a promulgué deux décrets contradictoires : le premier stipulait que toute coupe et exploitation de bois précieux restaient illégales et seraient sanctionnées et le deuxième autorisait l’exportation de conteneurs remplis de bois illégal.

L’Union européenne (UE), qui est une grosse consommatrice des produits dérivés du bois a défini un processus et un ensemble de mesures visant à lutter contre le problème sans cesse plus préoccupant de l’exploitation clandestine des forêts et du commerce qui y est associé. L’objectif principal est d’améliorer la gouvernance des pays producteurs de bois et d’établir des partenariats volontaires avec eux pour faire en sorte que seul le bois légalement débité entre dans l’UE.

Le plan d’action proposé vise quatre régions et pays-clés qui, ensemble, possèdent 60 % environ de la superficie forestière mondiale et fournissent une part importante du commerce international du bois : l’Afrique centrale, la Russie, la frange tropicale de l’Amérique du Sud (forêt amazonienne) et l’Asie du Sud-est (Cambodge, Indonésie, notamment).

La Commission européenne veut encourager les Etats-membres à qualifier de délit l’exploitation clandestine des forêts en vue de l’application de la directive européenne relative au blanchiment des capitaux. A l’heure actuelle, seul un petit nombre d’États-membres ont nommément désigné les délits relatifs à l’exploitation clandestine des forêts dans leur législation anti-blanchiment. La Commission cherche aussi à traiter, à travers, entre autres, ses programmes de coopération au développement, le problème que pose le financement de conflits armés par la vente de bois illégalement abattu, ce qui est notamment le cas en République démocratique du Congo (RDC).

En 2009, des ONG ont déposé une plainte à Nantes

En novembre 2009, Greenpeace et d’autres ONG ont déposé à Nantes une plainte visant la filiale française de DLH, l’un des plus importants marchands de bois au monde. Elles accusent DLH-France d’avoir acheté de 2000 à 2003 du bois au Liberia au mépris de la législation en vigueur et alors que le pays était en pleine guerre civile. Pire : ce trafic aurait financé le régime sanguinaire de Charles Taylor. De 2000 à 2003, DLH-France se serait fourni en bois auprès d’entreprises forestières libériennes corrompues et sans scrupule, qui agissaient en dehors de toute réglementation. Les Nations unies avaient décrété un embargo sur le bois du Liberia en 2003 pour empêcher son utilisation par l’ex-Président Taylor. Un trafic qualifié de « bois de sang ».

Cette plainte rappelle une nouvelle fois que l’UE doit se doter d’une réglementation exigeante sur le commerce du bois pour vraiment bannir l’importation de bois illégal en Europe. L’UE a déjà adopté une initiative pour la préservation des forêts (FLEGT, Forest Law Enforcement on Governance and Trade) mais, selon les experts, 10 à 19 % des bois importés par l’UE sont toujours d’origine illégale. La Banque mondiale estime de son côté le coût de l’exploitation illégale des forêts à travers le monde à 10 milliards de dollars par an.

La France pour sa part a déjà ratifié l’accord international de 2006 sur la protection des bois tropicaux, devenant le 26e Etat à ratifier ce traité adopté par 59 Etats impliqués dans le commerce des bois tropicaux – 33 pays producteurs et 26 pays consommateurs. Cet accord renouvelle l’Accord international sur les bois tropicaux (AIBT) de 1994 qui venait à échéance en décembre 2006. Il encourage les parties à mettre en place des mécanismes facultatifs pour promouvoir une exploitation durable des forêts tropicales en recourant notamment à la certification. Celle-ci consiste à appliquer un label assurant aux consommateurs que le bois qu’ils achètent provient de forêts exploitées de façon durable, comme cela a été le cas pour les diamants.

Marie Joannidis

2 commentaires

Vos commentaires

  • 18 mars 2010 à 10:54 | Mandimbisoa (#2104)

    "... Ainsi, un nouveau rapport de Global Witness et de l’Environmental Investigation Agency (EIA) révèle l’ampleur de l’exploitation forestière illégale dans les parcs nationaux et les zones protégées de la Région Sava à Madagascar. Les deux organisations affirment que 150 à 250 mètres-cubes de bois de rose précieux, d’une valeur estimée à 800 000 dollars, sont chaque jour récoltés dans l’illégalité.
    99 % des sociétés importatrices sont chinoises

    Des membres de l’administration forestière, de la police nationale et d’autres autorités malgaches sont accusés de graves défaillances et, dans certains cas, de complicité avec les trafiquants. Les enquêteurs ont rassemblé des preuves vidéo de l’abattage et des témoignages des communautés locales qui révèlent à la fois « l’ampleur et la hardiesse » de ce commerce illégal."

    INONA moa no hivakian’ny Sinoa sy ny MAFIA mpivaro-kazo saina ny biby sy ny zava-boahary eto amintsika,rehefa tsy misy intsony HAZO ho vidiany aty dia mitady any amin’ny toerana hafa izy...

    AHOANA MOA no hanajany antsika ? Isika aza TSY MANAJA izany ;JAMBAN’ny VOLA hoy aho ;manomboka any amin’ny FITONDRANA ka hatramin’ny MPAMAKY hazo.

    io tonga amin’ilay fiteny hoe : « HAJAO NY AN’NY TENA FA NY AN’OLO TSY OMENY »

  • 18 mars 2010 à 23:38 | Albatros (#234)

    Et oui !!!. Dans ce domaine aussi, « pas de trace de changement » à Madagascar.

    Pas de trace non plus de la lutte de « l’intelligence collective ».

    Dommage. C’est pourtant un domaine dans lequel tout le monde devrait être d’accord facilement et rapidement.

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