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Reportage

1978 - Attaque sud-africaine

30 ans après, les marins réclament encore leurs droits

mardi 4 novembre 2008
Le MV Orient-London rendu à Toamasina par la Marine nationale malgache.
La gîte tribord et la bande bâbord sont remarquables à cause des voies d’eau
(Source Latimer Rangers)

Il est bien loin l’époque où l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid a été qualifiée d’alliée de l’impérialisme par le régime malgache d’alors. Récit.

“ L’indépendance du Zimbabwe et la naissance d’un Etat révolutionnaire et socialiste seraient catastrophiques pour l’impérialisme et son allié, l’Afrique du Sud raciste. L’impérialisme fera tout pour garder le Zimbabwe dans son orbite ”. Il s’agit d’une analyse prémonitoire du président Ratsiraka devant la situation politique qui dominait le continent africain, dans le temps.

Relais compradore

L’ancien président malgache a traduit en images les événements qui se déroulaient en ce moment-là en Rhodésie du Sud (le Zimbabwe actuel) comme étant les ultimes convulsions impérialistes, qui secouent le continent et dont les contrecoups directs atteignent les pays riverains de l’océan Indien, “ car les impérialistes ne baisseront pas les bras. Après l’indépendance politique qu’ils ont été obligés d’accorder à leurs anciennes colonies, les colonialistes continuent d’exacerber les luttes de factions, les luttes tribales et c’est la bourgeoisie compradore nationale qui prend le relais dans l’opération ”. C’est ainsi que Didier Ratsiraka avait traité dans ses discours officiels les coups manigancés par le gendarme du monde et les anciennes puissances coloniales.

Le DC3 immatriculé A2ZFD de l’Aerial Survey on Botswana
ayant atterri sans autorisation préalable à Toliara
(Source Latimer Rangers)

Dans son allocution de Nouvel An aux Corps constitués en 1979, Didier Ratsiraka s’était exprimé de la manière suivante pour dénoncer les manœuvres impérialistes : “ Nous ne luttons pas contre une ombre. Ce n’est pas par caprice ou par xénophobie que nous dénonçons avec force les pratiques et la politique de l’impérialisme d’agression, d’ingérence dans les affaires intérieures de nos Etats, de déstabilisation et de sabotage. Si l’on veut bien prendre les statistiques des votes aux Nations Unies et dans les autres forums internationaux, l’on s’apercevrait tout de suite que ce sont toujours les mêmes pays qui s’opposent aux résolutions pertinentes et justes présentées par la majorité des Etats membres de l’ONU, tendant à défendre la justice, la paix, la démocratie, l’égalité, l’indépendance et la liberté ”.

Raid sud-af

En effet, des événements s’étaient produits dans les pays dits révolutionnaires d’Afrique et de l’océan Indien. L’Angola, le Zaïre, le Tchad, le Nigeria, le Mozambique, la Tanzanie ont traversé des situations critiques. Le régime progressiste d’Ali Soilih aux Comores a chuté. Des menées subversives ont été perpétrées contre le régime de France Albert René des Seychelles. Le peuple malgache a vécu une psychose d’imminent raid sud-africain. Le gouvernement raciste de Pretoria aurait envoyé des bombardiers, ou des avions de chasse qui survoleraient le ciel malgache...Entre temps, il y avait eu à Madagascar une recrudescence d’avions étrangers, prétextant des pannes techniques, atterrissant sur les aéroports de l’arrière-pays : les cas du Cessna-402 sud-af, du DC3 de l’Aerial Survey of Botswana pour l’espace aérien. Quant à la zone d’exclusivité économique et aux eaux territoriales malgaches, il y avait les voiliers de plaisance la Sabrina, celui de l’architecte Markel, les boutres comoriens en situation irrégulière, et le cas des deux grands navires dérivant le long des côtes malgaches arguant des avaries de machines. C’étaient l’Orient-London et le Jayalkshimi.

Les matafs réquisitionnés

L’Orient-London ayant comme port d’attache Panama avait fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit d’un navire de commerce, battant pavillon panaméen appartenant à Chien Lu Navigation Company de Taiwan. A cette époque, les frets en provenance de Taiwan, Israël et Afrique du Sud ne pouvaient pas êtres débarqués à Madagascar. Cette interdiction est dictée par l’option idéologique et politique de la nation. Le 15 juin 1977, le Motor Vessel Orient London a eu des avaries à Nosy Mitsio, au Nord de Nosy-be. Une réparation sommaire a permis au navire de rejoindre Antsiranana, le port le plus proche, suite à l’assistance et sauvetage effectués par la compagnie Stephen Kingsley aux îles Mitsio jusqu’à Diego-Suarez. L’expertise effectuée à Antsiranana sur l’Orient-London a permis de constater des anomalies : voies d’eau dans la cale 5 et 6. Le bateau transportait un chargement de 9660 tonnes de chrome d’origine sud-africaine embarqué à Maputo à destination de Japon. Le navire n’a pas pu reprendre la mer. Le 20 juillet 1977, le bateau a fait l’objet d’une saisie conservatoire contre versement de la somme 30 millions de fmg. Chose curieuse, le paiement de ce montant effectué par l’armateur a été interprété et considéré comme un trafic de devises, et a entraîné des emprisonnements.

Innavigabilité apparente

Le 20 août 1977, l’Orient-London a affiché une inavigabilité apparente mettant en péril la vie de l’équipage. Cependant, son tirant d’eau de 11 m ne lui a pas permis la mise en cale sèche à la SECREN. Ce grand navire a failli couler en rade d’Antsiranana la nuit du 25 décembre 1977. Un avis urgent émanant des experts de l’ONU a fait état de la dangerosité du chargement de ce bateau. Le chrome, le plomb et le mercure sont les éléments les plus dangereux dans l’eau de mer pour l’environnement, l’homme, la faune et la flore. L’Etat malgache a alors décidé de le transférer à Toamasina par le moyen de remorquage. Le Premier ministre de l’époque a donné l’ordre de l’éloigner de la capitale du Nord.

Petit escadre

Pour ce faire, l’Etat a réquisitionné la Marine Nationale. Comme le remorquage s’est avéré très difficile sur une aussi longue distance, la Base aéronavale d’Antsiranana a préféré fournir une équipe composée d’officiers, de spécialistes et d’équipage qualifié. Ils ont été sélectionnés à partir des éléments navigants de la Marine Nationale renforcés de fusiliers marins et des gendarmes. Outre ces fusiliers marins et gendarmes, ils étaient 25 hommes, tous des spécialistes de la mer, des authentiques matafs. Malgré les avaries et les mauvaises conditions météo dès la sortie de la passe de Diego jusqu’à Toamasina, ils ont pu faire parvenir l’Orient-London jusqu’à destination, avec les moyens de bord et quelques instruments de navigation de la marine nationale malgache, et surtout grâce à leur expérience. D’après le journal de navigation et le journal de bord qui sont soigneusement conservés, le remorqueur de haute mer, Vaventy, faisait route avec l’Orient London, en prévision de remorquage en cas de problème. Le patrouilleur côtier Mailaka, armé de canons de 70mm sur la plage avant et plage arrière, escortait les deux bateaux pour une raison de sécurité en cas d’éventuelle attaque. Les trois bâtiments formaient une sorte de petite escadre.

Magouilles ?

Ces marins, dont la plupart sont encore en vie, dénoncent que malgré la réquisition entreprise par l’Etat malgache, ils n’ont pas été payés jusqu’à présent. Pourtant ils ont vendu cher leur peau, et ils ont risqué leur vie. Tout le chargement de chromite faisait l’objet de réquisition. Pourtant, au lieu d’être mise en vente, la chromite a été offerte gratuitement au Port autonome de Toamasina. L’enlèvement du lot de minerai de chrome en poudre a été autorisé par une note officielle du Receveur des Douanes en date du 22 février 1988.
Qu’en était-il finalement de l’Orient-London ? Au lieu d’être mis en vente aux enchères corps et biens, le bateau a été déplacé aux îles au Coco, au Sud de Toamasina. Depuis, l’épave gît près de Nosy Fony.

L’Etat redevable

L’Etat demeure redevable envers ces marins, vu la réquisition officielle qu’il a entreprise. D’après le collectif des marins, il y a eu distraction de pièces maîtresses en février 1979. Cette soustraction frauduleuse de pièces aurait entraîné le blocage du dossier. Le 29 août 1978, une lettre officielle portant avis pour décision signée par le Colonel Jean Rakotoharison, chef d’Etat-Major Général de l’Armée Populaire, fait état de mission prescrite par la réquisition, et dont la rémunération correspond à 60% de la valeur des biens sauvegardés par cette équipe de marins de l’Armée populaire. Selon un élément de l’équipage, la Justice en serait déjà saisie. Actuellement, ces marins lancent un appel à l’Etat malgache responsable qui leur reste redevable. Comme il s’agit d’un problème militaire, ils sont conscients que la régularisation d’une telle affaire se fait au niveau du président de la République, qui est leur Chef Suprême.

Propos recueillis par Razaka Oliva

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